La crise sanitaire qui a touché violemment notre pays, avec un bilan humain de près de 30 000 morts, a sollicité à l’extrême, notre système de santé, médecine de ville et hôpitaux, mais aussi leurs fournisseurs directs, nos industries de santé.
Nous sortons donc d’une période intense, mais contrastée. Intense car le constat unanime des acteurs de santé publique est que nos industries ont fait preuve d’une résilience exceptionnelle, même aux moments des plus fortes tensions fin mars -début avril. Nos usines ont fonctionné et la distribution des produits médicaux sur l’ensemble du territoire n’a jamais été prise en défaut, même outre-mer malgré des conditions logistiques compliquées. Contrasté car la gestion politique de la crise sanitaire a eu des effets inégaux sur l’activité de nos différents secteurs.
Quand le secteur du médicament, dans toute ses composantes (chimie fine, production et sous-traitants de la pharmacie, logistique) a été plutôt sur-sollicité depuis début mars, à l’inverse, nos secteurs dépendants principalement du secteur hospitalier ( Dispositif médical), et le dentaire et l’optique ont été quasiment à l’arrêt depuis le début du confinement. Ces secteurs n’ont repris que doucement leur activité depuis le 11 mai, en parallèle avec la reprise des consultations médicales des spécialistes (dentistes et ophtalmologistes, mais aussi chirurgiens).
Le cas du dispositif médical dépendant de la chirurgie est aussi très particulier : tant que demeure une forte tension sur les produits anesthésiques (curare, propofol…), qu’il faut garder en priorité pour les urgences et la réanimation des cas Covid 19, le Ministère de la Santé n’a pas autorisé la reprise des opérations de chirurgie programmée. Les fabricants de dispositifs médicaux chirurgicaux sont donc touchés de plein fouet et totalement dépendants de la décision administrative.
Un cas particulier est celui du secteur du diagnostic in vitro, très sollicité par la lutte anti-épidémique (tests PCR et virologiques) mais qui manifeste des inquiétudes quant à la mise entre parenthèses durant le confinement, des diagnostics de maladies chroniques, notamment en oncologie : là encore le quasi-arrêt des consultations et des ordonnances de diagnostics risquent de poser des problèmes à moyen terme, par le retard à la prise en charge en absence de diagnostic. Le médicament est quant à lui moins touché, mais le non-accès aux cabinets de médecine libéral a aussi fortement perturbé les traitements pour les pathologies chroniques (initiation ou retard des renouvellements d’ordonnance).
Au-delà des conséquences économiques dramatiques pour les entreprises de ces secteurs dont la trésorerie est fortement sollicitée, de même que les ressources humaines, on ne peut que se préoccuper des conséquences à moyen et long terme, de cette situation pour la santé publique. En effet, l’absence de diagnostics et de soins en temps et en heure dans les maladies chroniques, le dentaire comme dans l’optique, comme le report sine die des opérations programmées, portent le risque d’aggravation des pathologies.
Enfin, il faut également prendre en compte les conséquences psychologiques sur des patients qui attendent ainsi des diagnostics, des opérations qu’ils appréhendent, ou la mise en œuvre d’un traitement pour une maladie chronique. La gestion psychologique de cette attente, qui sera parfois longue, est ainsi à considérer au même titre que les soins eux-mêmes.
Les industries de santé sont aujourd’hui reconnues comme acteurs de santé publique à part entière, comme l’a relevé le Ministre de la Santé lors d’une réunion le 18 juin avec l’ensemble du secteur, et ainsi qu’en témoigne la demande, issue du Cabinet d’Olivier Véran, de consultation sur le Ségur de la Santé. Ce statut entraîne la responsabilité de souligner cet aspect peu évoqué, des conséquences de la crise sanitaire : il y a un véritable enjeu de santé publique qui doit être mieux appréhendé et dont les réponses seront également porteuses du développement de la filière en elle-même et un support au secteur industriel dans son ensemble.